Echanges et débats sur les enjeux de la filière MRO au B612 de Toulouse

b612-mro-conference©AeroMorning

C’est dans un lieu phare de l’écosystème aérospatial toulousain que la sixième soirée-débat organisée par l’Excellence Club s’est tenue, autour du thème de l’innovation et des enjeux futurs de la MRO aéronautique. Inaugurant la salle de conférence du B612 de Toulouse Aerospace, représentants et acteurs du domaine ont évoqué avec plaisir et curiosité ce sujet en pleine mutation, aux enjeux stratégiques.

Rossi MRO Solutions, un acteur de classe mondiale aux solutions complètes et personnalisées

La conférence s’est ouverte par l’intervention de Matthieu Dupre et Pierre Albert, respectivement directeur commerce & achats, et directeur qualité en charge de la MRO pour Rossi Aéro. Grand équipementier implanté en région toulousaine, sa filière dédiée au MRO internalise toutes ses opérations d’entretien, et est ainsi capable de répondre de façon réactive aux besoins de ses clients dans le monde entier.

Quelques chiffres clés ont alors été évoqués : l’on compte aujourd’hui 20 000 aéronefs en service de par le monde, dont la durée moyenne d’exploitation est de 30 ans. Si d’ici 2035 près de 35% de ces aéronefs seront encore en exploitation, ce seront 33 000 nouveaux avions qui rejoindront les flottes existantes des compagnies aériennes. Autant dire que le marché de la maintenance aéronautique au sens large va presque doubler d’ici 15 ans.

Deux grands types de maintenance peuvent être distingués. Ce sont les visites de maintenance planifiées (classes A, B, C et D), qui sont définies par l’avionneur et qui correspondent à un nombre donné d’heures de vol, et celles non-prévues, qui font suite à des événements particuliers. C’est ce dernier type de maintenance auquel Rossi Aéro répond tout particulièrement.

Matthieu Dupre est le directeur commerce & achats de Rossi MRO Solutions ©AeroMorning

En effet, sur 1500 compagnies aériennes dans le monde, 1200 ne comptent que trois aéronefs, ce qui fait qu’elles ne peuvent souvent pas s’adresser aux plus grandes entreprises de maintenance comme Air France Industrie ou encore Sabena Technics. Ainsi, Rossi Aéro se positionne comme un acteur capable de répondre aux besoins spécifiques et ponctuels des compagnies du monde entier, et ce quels qu’ils soient.

Ainsi, pour un besoin de maintenance donné, l’entreprise se charge de récupérer la pièce en question, et de l’inspecter, de façon visuelle et par contrôles non-destructifs. Si cette dernière est réparable, alors les ateliers de maintenance agissent, et l’entreprise émet un nouveau certificat de navigabilité (PART 145). Si la pièce ne peut être réparée, la société se propose d’en réusiner une par elle-même. À tout moment, le client est tenu informé de l’avancée du processus de réparation, et peut anticiper sa remise en service d’appareils au sol (AOG).

La force de Rossi MRO Solutions réside donc dans sa capacité d’adaptation aux besoins spécifiques de ses clients, par une chaîne logistique réactive, des moyens de réparation totalement internalisés, et un pouvoir de délégation vis-à-vis des organismes de navigabilité.

Sabena Technics et la transformation digitale pour la satisfaction du client comme celle des employés

La soirée s’est poursuivie avec l’intervention de François Doré, directeur de l’innovation au sein de Sabena Technics. Société française au rayonnement international, Sabena Technics est spécialisée dans la MRO et les services de modification pour avions civils et militaires.

Le premier concept mis en avant a été la réflexion de la société vis-à-vis de sa transformation digitale. François Doré a ainsi souligné que la transformation digitale loin d’être un simple phénomène de mode, demeure clé pour permettre aux entreprises européennes de se démarquer, dans un environnement toujours plus concurrentiel. Elle doit concourir à l’augmentation de la satisfaction client et de leur capacité à capter de nouveaux marchés.

La transformation digitale doit également aider à l’optimisation de la performance opérationnelle des entreprises, et attirer de nouveaux talents. Ce dernier point est crucial : le monde de la MRO est en pénurie de main d’œuvre qualifiée. Ce constat s’explique par le fait que l’on est aujourd’hui dans un environnement manuel dont le niveau d’équipement technologique est inférieur à celui que l’on a chez soi. Le digital est ainsi vu comme un moyen de réponse à ces problématiques, et apporterait la structure nécessaire à la pérennité de la performance des entreprises du secteur.

François Doré, directeur de l’innovation chez Sabena Technics, est venu décrire comment son entreprise a mené sa transformation digitale ©AeroMorning

A cet effet, Sabena Technics a déployé une composante digitale à tous les niveaux de son activité, du processus de recrutement, aux ateliers de maintenance, en passant par le mécanicien connecté. Cette digitalisation globale des ateliers a eu un effet immédiat : d’un million de feuilles imprimées par an, l’entreprise est passée à zéro. Toutes les tâches de maintenance faites par les mécaniciens sont désormais suivies sur des supports tactiles mobiles, qui permettent un pilotage en temps réel des tâches de maintenance, et de fédérer les employés autour d’une « communauté », inspirée du modèle des réseaux sociaux. Le client peut quant à lui accéder en direct à un portail d’information du chantier, valider une planification, arbitrer un choix de pièce, et recevoir un dossier de visite dématérialisé.

Ainsi, c’est par l’intégration de l’ensemble des acteurs de la maintenance sur un dispositif digital global, que le temps d’immobilisation des appareils et les délais de remise en service sont optimisés, comme anticipés. Aujourd’hui, cette mise en réseau des acteurs et des équipements se poursuit, avec des projets en lien avec la géolocalisation des outillages, la réalité virtuelle en atelier etc. Ces avancées permettront de continuer le développement de nouveaux modèles commerciaux en lien avec le concept de maintenance prédictive.

Ces transformations concrètes sont le fruit de réflexions abouties : le plan de transformation d’une entreprise repose sur sa capacité à définir sa stratégie, identifier les accélérateurs d’innovation pertinents (PME, solutions nouvelles…), et à intégrer l’humain à toutes les étapes du processus.

Flight Watching, une PME innovante dans le domaine de l’analyse de données de vol

Après une petite pause propice aux échanges sur le sujet, la troisième présentation a été menée par Jean-Philippe Beaujard , co-fondateur de Flight Watching. Véritable start-up il y a six ans, Flight Watching fait maintenant partie du groupe Revima, spécialiste mondial de la MRO aéronautique. La grande valeur ajoutée de Flight Watching est sa solution innovante d’analyse de données de vol, qui apporte la puissance logicielle d’aujourd’hui à des concepts de communication anciens.

En effet, depuis les années 1970, tous les avions de ligne communiquent à intervalles réguliers et de façon autonome, des messages d’états et de statut de leurs systèmes. Ces messages sont à destination des centres de maintenance de leur compagnie aérienne, et des services d’opérations aéroportuaires. Dénommés ACARS – Aircraft Communication Addressing and Reporting System – ils sont particulièrement utiles pour optimiser les opérations de maintenance, dans la mesure où, avant même que l’avion ait atterri, le centre de maintenance sait déjà en théorie sur quels systèmes travailler.

En pratique, ces messages ACARS sont surtout exploités par les motoristes (10%), alors que le reste est archivé, et éventuellement étudié en cas d’accident ou d’étude long terme. Toute l’idée de Flight Watching repose alors sur la revalorisation de ce concept, avec une solution logicielle capable d’interpréter ces données complexes, et de les présenter de façon claire et orientée, selon l’application recherchée. Ainsi, une compagnie aérienne peut avoir un tableau de bord digital, de l’état des systèmes de toute sa flotte aérienne, et ce à distance et de façon instantanée.

Jean-Philippe Beaujard, co-fondateur de Flight Watching ©AeroMorning

Il est aisé de comprendre la valeur ajoutée d’un tel dispositif : en cas de panne d’un système au cours d’un vol, des experts au sol peuvent se pencher sur les données reçues en direct, et apporter une aide précieuse à l’équipage en difficulté. Par ailleurs, cette solution permet de faire plus facilement de la maintenance prédictive, alors que toutes les données peuvent être classées et extrapolées selon les besoins clients. Ceci peut aider des experts à détecter des occurrences de pannes et prévoir des scénarios de maintenance plus appropriés.

Ainsi, la solution logicielle proposée par Flight Watching permet un aperçu global et en temps réel de tous les systèmes d’une flotte d’aéronef, et d’en faciliter et anticiper la maintenance. Aujourd’hui, l’application logicielle permet également d’optimiser les opérations au sol, par l’identification et l’optimisation des étapes les plus chronophages précédant un vol (remorquage, démarrage moteur…).

Conclusion de la soirée avec une mise en perspective par un représentant de l’Aerospace Valley

La soirée s’est achevée par l’intervention de David Macheto, directeur de la division aéronautique de l’Aerospace Valley. Chargé de dynamiser les activités aéronautiques en partenariat avec Liebherr Aerospace, David Macheto a offert une conclusion éclairée sur l’avenir et les grands enjeux du domaine, soulignés lors des interventions précédentes.

Le monde de la MRO aéronautique comporte de plus en plus d’acteurs, et il se pourrait qu’avec la digitalisation, des acteurs de type GAFA qui sont traditionnellement éloignés du secteur aéronautique se retrouvent en concurrence avec des acteurs historiques du domaine. Ainsi, pour faire face à ces éventualités, et pour toujours conserver une longueur d’avance dans le domaine, trois aspects clés sont à suivre aujourd’hui :

  • La diminution des coûts opérationnels de maintenance : un travail sur les procédés de maintenance des équipements et avions est à faire, pour que ces derniers demeurent plus faciles à réparer, avec par exemple l’utilisation accrue de certains matériaux composites thermoélastiques. L’automatisation sera aussi nécessaire sur certains aspects pour faire diminuer les temps de réparation.
  • L’individualisation : individualiser les visites de maintenance (y compris celles planifiées) pour chaque appareil permettra d’optimiser les ressources, et ceci sera rendu possible par une digitalisation accrue du domaine. L’on saura alors prendre en compte les besoins spécifiques de chaque appareil tout au long de sa vie, pour chaque client. La disponibilité des appareils en sera augmentée, les opérateurs ayant une vision claire du programme de maintenance spécifique de chacun de leurs appareils.
  • La formation : le développement de nouveaux procédés (réalité virtuelle…) et leur intégration au niveau humain devra permettre de faciliter le travail d’un personnel qualifié, et d’attirer de nouveaux talents.

Ces aspects permettront aux entreprises du domaine de rester compétitives, tout en anticipant et en répondant au haut niveau d’exigence attendu par les opérateurs aériens, d’aujourd’hui comme du futur. Cette ouverture a marqué l’aboutissement d’une soirée riche en échanges et rencontres, dans un lieu d’exception.

David Macheto, directeur de la division aéronautique de l’Aerospace Valley, a apporté une conclusion très éclairée sur les enjeux de la filière MRO ©AeroMorning

Vincent FRAMENT